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[Corée Affaires 109] Covid-19 : les tendances fiscales en Corée et les stratégies adoptées par les multinationales
Par Il-gyu Cha, expert-comptable coréen et Tax Partner chez PwC Samil et, Paul Shon, expert-comptable, commissaire aux comptes français et responsable du French Desk chez PwC Samil.
PwC Samil est le leader dans l’Audit et Conseil en Corée du Sud avec plus de 3 300 experts. Le cabinet accompagne les multinationales désireuses de se développer sur le marché coréen, notamment en leur fournissant des conseils en management et fiscalité.
En Corée du Sud, depuis le début de l’année 2020, la faible consommation intérieure et la récession économique déclenchées par l’épidémie de Covid-19 se poursuivent. Pour y faire face, le gouvernement coréen a adopté en septembre une politique expansionniste avec la mise en place d’une quatrième rallonge budgétaire de 7 800 milliards de wons (5,9 Mrd EUR1), allouant sur l’année 554 700 milliards de wons (419 Mrd EUR) aux dépenses alors que les recettes totales ne s’élèvent qu’à 470 700 milliards de wons (356 Mrd EUR). Alors que les dépenses budgétaires augmentent, le rendement des recettes fiscales est inférieur à celui initialement prévu par le gouvernement. Plus précisément, les recettes fiscales fin juin 2020 s’élevaient à 132 900 milliards (100 Mrd EUR) contre 156 200 milliards (118 Mrd EUR) fin juin 2019, soit une baisse de 14,9 %2, en particulier en ce qui concerne les impôts sur les sociétés (-13 500 Mds KRW), les impôts sur le revenu (-3 700 Mds KRW) et la TVA (-3 500 Mds KRW). Par conséquent, l’écart entre les recettes fiscales et les dépenses publiques se creuse, ce qui pourrait alourdir le déficit du budget de l’État coréen ainsi que le ratio de la dette publique par rapport au PIB.
Les multinationales s’évertuent à faire évoluer leurs stratégies sur le marché coréen afin de réagir de manière efficace face à cette crise économique sans précédent. En ce sens, elles accordent plus d’importance au domaine de la fiscalité qui impacte directement la gestion budgétaire et la trésorerie de leur filiale coréenne.
Les multinationales ont l’opportunité, sous certaines conditions, de demander le remboursement des impôts payés pour améliorer leur trésorerie. Au regard des tendances actuelles de la fiscalité coréenne, certaines notions autrefois ambiguës ont été révisées, et de nouvelles interprétations de la loi en vigueur jouent en faveur des entreprises. En effet, la plupart des filiales s’attèlent à atténuer la charge fiscale de leur groupe et à étudier avec intérêt la possibilité de demander le remboursement des impôts payés dans le passé. Les remboursements obtenus leur permettent à court terme d’améliorer leur trésorerie, et de revoir leur stratégie fiscale pour le futur.
Dans le cadre de la maîtrise des risques fiscaux, les entreprises vérifient méticuleusement toutes les procédures de déclaration fiscale – des collectes des données jusqu’au dépôt des déclarations et au paiement des impôts (impôt sur le revenu, TVA, retenue à la source) dans le délai fixé. Et lorsqu’un problème se présente, elles le passent en revue pour mettre en place des dispositifs adéquats.
Malgré la crise sanitaire, le Service National des Impôts (KNTS) renforce le contrôle fiscal au sein des multinationales. Notamment dans le cadre de la loi sur la fiscalité internationale des entreprises, récemment amendée, les questions d’établissement stable ou de prix de transfert constituent un sujet important pour les Groupes.
Plus concrètement, depuis une réforme fiscale en 2019 consistant à étendre le concept « d’établissement stable (ES) », le fisc coréen se concentre plus activement sur les questions d’installation fixe d’affaires lors d’un contrôle fiscal. Ainsi, en vertu de la nouvelle législation, les entreprises étrangères doivent analyser leur situation actuelle et évaluer les risques potentiels liés à l’ES.
En outre, les filiales, faisant partie des chaînes de valeur globales des multinationales, opèrent dans différents systèmes fiscaux, ce qui pose la question des prix de transfert. À titre d’exemple, lorsque les autorités coréennes imposent un ajustement des prix de transfert à une filiale locale, les redressements effectués correspondent à des revenus déjà déclarés dans d’autres pays, générant ainsi une double imposition. Il faut ajouter à cela la surcharge due à une rectification des prix de transfert comme le paiement de l’impôt sur les sociétés, des pénalités et des retenues à la source. De plus, depuis la refonte de la fiscalité en 2017 fondée sur le projet BEPS (visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices) de l’OCDE et du G20, les sociétés situées à Séoul ont l’obligation de déposer trois documents à l’administration fiscale : un fichier local, un fichier principal et une déclaration pays par pays. Cette démarche permet aux autorités de disposer en temps opportun d’informations sur les prix pratiqués par les multinationales. En y recourant, elles exercent une analyse approfondie et peuvent sophistiquer leur système d’analyse. Le fisc, de son côté, recueille les informations nécessaires aux prix de transfert et les exploite pour endiguer une optimisation fiscale agressive de la part des multinationales. Afin d’examiner l’adéquation du revenu imposable des sociétés et des plateformes numériques en plein essor, les autorités surveillent également les pratiques de transfert de bénéfices chez les filiales coréennes en renforçant l’analyse et le contrôle des données sur la réception des opérations en devises, les fiches de paie et l’échange de renseignements entre les pays.
Par ailleurs, selon une révision de la loi relative aux transactions avec un tiers, les entreprises doivent prouver qu’elles n’ont aucune intention d’éviter de payer l’impôt lorsqu’elles réduisent la charge fiscale de plus de 50%. Cette obligation a pour but d’empêcher un déplacement de bénéfices à l’étranger en utilisant une entreprise tierce.
Dans ce contexte, de nombreuses multinationales étudient en amont tous les moyens disponibles pour répondre aux incertitudes et risques fiscaux potentiels. En pleine crise mondiale, l’anticipation des contrôles fiscaux et la sécurisation semble être les meilleures solutions face à ces enjeux devenus incontournables. Outre le respect de l’obligation renforcée de payer l’impôt, les multinationales devront donc adopter toutes les solutions pour limiter les dommages provoqués par la crise sanitaire tout en analysant et en évaluant minutieusement les risques fiscaux potentiels auxquels elles font face en Corée ainsi que les opportunités fiscales qui s’offrent à elles.
Paul SHON
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Email : paul.sy.shon@pwc.com
1 Taux de change en vigueur au 12 décembre 2020 (Financial Times).
2 Selon le ministère de l’Économie et des Finances, compte tenu des effets des mesures de soutien fiscal, le décalage entre les recettes fiscales au premier semestre 2020 et celles collectées en 2019 serait de 11 400 milliards de wons.