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À Busan, le cinéma coréen surfe sur la déferlante Squid Game

À Busan, le cinéma coréen surfe sur la déferlante Squid Game

Après deux ans de repli en ligne dû au Covid, le «Festival de Cannes» asiatique retrouve son public dans la ville du sud de la péninsule.

Debout, face aux milliers de spectateurs emmitouflés dans leur parka, Emmanuel Mouret fredonne La Javanaise au micro, sous l’auvent audacieux recouvrant le scintillant Centre du cinéma de Busan, aux allures de soucoupe volante. L’air moite venant de la rade toute proche, slalomant entre les gratte-ciel, emporte un public conquis par Chronique d’une liaison passagère , l’un des 23 films français présentés au Festival international du film de Busan (BIFF), le «Cannes asiatique», qui marque son grand retour après deux ans de pandémie.

Une foule des grands soirs pour cette rare projection en plein air d’un film d’auteur porté avec entrain par le duo Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, défiant la fraîcheur vespérale de l’automne coréen. «Un festival avec du public, cela change tout! Ici, il y a un enthousiasme extraordinaire. C’est un vrai pays de cinéma!», s’enflamme Serge Toubiana, président d’Unifrance, dans les jardins du Paradise Hotel, face à l’ample plage de Haeundae, la «Croisette sud-coréenne». Au sud de la Corée, Busan réaffirme son statut de premier festival d’une région en pleine effervescence, surfant sur la déferlante planétaire de Parasite ou de la série Squid Game, popularisée par Netflix. Le biographe de François Truffaut a été bombardé à la tête du jury de la catégorie «New currents» de l’édition 2022, qui se déroule jusqu’au 14 octobre, dans la bouillonnante cité portuaire méridionale, où s’empilent les conteneurs, comme des Lego, entre plages et montagnes.

 

Projection de séries produites par Disney+ ou Tving

 

Les organisateurs savourent avec soulagement le retour en masse du public, après deux ans de repli en ligne dû au Covid, qui a frappé durement le box-office de la quatrième économie d’Asie et ébranlé ses puissants studios. «Nous espérons un retour à 80 %-90 % de l’affluence de 2019, car certains sont toujours réticents à revenir dans les salles», a déclaré Huh Moon-young, le directeur du BIFF, dans une région toujours sur ses gardes face au Covid. Il était temps pour la Corée, qui piaffait d’impatience de capitaliser sur l’engouement planétaire pour la palme d’or de Bong Joon-ho en 2019 et l’attrait de la «Hallyu», la vague culturelle coréenne, auprès des nouvelles générations connectées. Dans la foulée du festival, Busan accueillera un concert géant du groupe de K-pop BTS, pour promouvoir sa candidature à l’Exposition universelle 2030.

Cette édition est celle de la transition vers le monde post-Covid, prenant acte de la puissance grandissante des plateformes de streaming en ligne, Netflix en tête. Elles ont popularisé les séries coréennes auprès d’un nouveau public, plus large et plus jeune, par-delà les frontières. À l’inverse de Cannes, Busan la pragmatique a choisi de projeter en avant-première des séries à venir produites par des plateformes comme Disney+ ou Tving, dans la catégorie «On screen», faisant sauter la frontière toujours plus poreuse qui sépare le septième art et le monde digital. À l’image de Yeon Sang-ho, le réalisateur de la série à succès Hellbound sur Netflix, après avoir triomphé en salle avec son Dernier train pour Busan, ou Hwang Dong-hyeok, le père de Squid Game, qui s’était fait connaître sur le grand écran. «Montrer des séries au festival permet au public de les regarder différemment», a justifié le chevronné réalisateur japonais Takashi Miike, venu dévoiler son feuilleton Connect.

Cette révolution numérique aiguillonne le cinéma de Séoul, accouchant d’une nouvelle génération de réalisateurs sans complexe qui s’attaquant à des sujets sociaux, prenant le relais des monstres sacrés Bong Joon-ho, ou du défunt Kim Ki-duk. Eux n’hésitent pas à contourner les fourches caudines des studios établis, comme CJ et Lotte, qui cadenassent le marché, dans une société toujours très conservatrice. «Les séries ont donné un coup de fouet à la création, en permettant à des jeunes de réaliser des scénarios qui auraient été refusés par les studios coréens, car traitant de sujets tabous. Aujourd’hui, on assiste à une rencontre entre cette nouvelle génération et des producteurs internationaux qui montrent un appétit grandissant pour la Corée», juge Antoine Coppola, auteur du Dictionnaire du cinéma coréen (Éditions Nouveau Monde, 2021).

 

La nouvelle Mecque du cinéma asiatique

 

Les paillettes camouflent une foire grouillante dans l’imposant hall d’exposition Bexco, où un nombre croissant de producteurs et de distributeurs étrangers, parmi lesquels des Français, viennent chercher de nouvelles pépites. Une opportunité pour de jeunes réalisatrices comme Jung Won-hee, dont le film Doom Doom fut présenté en avant-première l’an dernier. Elle multiplie les rendez-vous pour financer son prochain projet, avec un budget plus conséquent. «Être sélectionnée à Busan donne de la crédibilité, et permet de rencontrer beaucoup de partenaires potentiels», explique la jeune femme francophone, dont le film, qui raconte les pérégrinations d’une jeune mère célibataire DJ cherchant sa voie dans le quartier de la nuit d’Itaewon, face à une société toujours patriarcale, sera diffusé au Festival du film coréen à Paris, fin octobre.

Pour autant, Busan ne boxe pas dans la même catégorie que Cannes ou Venise, faute d’avant-première internationale, et préfère jouer la carte populaire foisonnante dans un marché très actif. «C’est plutôt une grande foire pour les professionnels, comme Toronto», juge Antoine Coppola. Ici, les coupes de champagne se marient à l’anguille grillée et au poulpe cru dont les tentacules strient les aquariums fluorescents devant les vitrines de restaurants scintillant comme des phares dans la nuit.

Sur le tapis rouge, Tony Leung, la star d’In the Mood for Love, est venu de Hongkong recevoir un prix spécial, comme un passage de témoin au profit de la nouvelle Mecque du cinéma asiatique. Busan assoit sa prééminence dans une région bouleversée par la nouvelle donne géopolitique, marquée par une rivalité sino-américaine sans merci, et le verrouillage de la Chine communiste. «Busan a pris le pas sur Hongkong et Tokyo. Les Coréens sont ouverts à l’Occident, ils achètent nos films. Alors que la Chine, c’est fini, du fait la censure du Parti», juge Serge Toubiana.

 


Article initialement publié dans Le Figaro, le 11 octobre 2022.

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