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L’économie coréenne face à la crise : une résilience à l’épreuve du choc de demande mondiale
Par Maxime Augé, Adjoint au chef du Service économique de l’Ambassade de France en Corée
Bien que très dépendante du commerce international, et affectée très tôt par le COVID-19, la Corée, de par sa gestion efficace de la crise sanitaire, a su jusqu’ici limiter l’impact négatif de la crise sur son économie. Alors qu’un durcissement de la conjoncture, avec la chute de la demande mondiale, semble inéluctable au 2e trimestre, le gouvernement continue à renforcer ses dispositifs de soutien.
Une croissance en baisse, mais qui souligne une résilience relative de la Corée
Après un repli du PIB de 1,3 % au 1er trimestre 2020 par rapport au 4e trimestre 2019 (+1,4 % par rapport au 1er trimestre 2019), la croissance du 2e trimestre affiche un recul de 3,3 % en glissement trimestriel, et de 2,9% sur un an. Si le chiffre du premier trimestre témoignait de la résilience de la Corée en comparaison d’autres économies développées, le repli du 2e trimestre reflète davantage l’importance de la demande mondiale pour l’économie coréenne, alors que la majorité des pays ont été confrontés à un confinement de leur population au cours du 2e trimestre.
Il est aujourd’hui très difficile de prévoir un chiffre de croissance pour 2020, les prévisions oscillant entre +1,3 % pour la Banque Asiatique de Développement et - 6,7 % selon Nomura. Le FMI projette un recul du PIB de -2,1% sur l’année, une hypothèse plus pessimiste que celle de l’OCDE (-1,2%) ou que la Banque de Corée (-0,2%), mais qui fait de la Corée le pays de l’OCDE et du G20 le pays le plus résilient à la crise : avec une baisse de la croissance du PIB de 4,1 points par rapport à la croissance de 2019, la Corée se place devant la Chine (-5,1 points), l’Indonésie (-5,3 pp) et le Japon (-6,5 points).
Une baisse tirée par la faiblesse de la demande mondiale
Au cours du 1er trimestre, le repli de la croissance s’expliquait par une baisse de la consommation privée (-6,4% en glissement trimestriel, -4,8% sur un an), déprimée par la distanciation sociale et l’effondrement dès janvier du tourisme entrant, les Chinois représentant presque 40 % du tourisme étranger en Corée, et surtout près de 75% des dépenses dans les boutiques duty free. La prégnance du e-commerce (25% de la vente de détail en Corée, record mondial) et l’efficacité des mesures sanitaires avaient toutefois permis de limiter ce repli, tout comme la consommation publique (+1,4% en g.t, +6,8% en g.a).
Comme attendu, la croissance du 2e trimestre a été confrontée à la contraction de la demande mondiale. Le modèle coréen, basé sur les exportations, en a été fortement impacté : alors qu’elles s’étaient repliées de seulement 1,4% entre le T4 2019 et le T1 2020, et avaient même connu une hausse de 5,6% sur un an, les exportations ont plongé au 2e trimestre, de 16,6% sur un trimestre, de 13,6% sur un an. Si les exportations à destination des Etats-Unis et de l’UE continuaient leur repli en fin de semestre, les exportations vers la Chine ont connu en juin leur première augmentation depuis 6 mois, signe d’un possible rebond des exportations au 2e semestre.
L’impact de la baisse de la demande sur l’utilisation des capacités de production et l’incertitude globale a fortement pesé sur le marché de l’emploi. Le taux de chômage, limité à 4,3% au mois de juin, soit seulement 0,3 point de plus qu’il y un an, ne dit rien de l’évolution réelle du marché : si l’on dénombre 90 000 chômeurs supplémentaires sur un an au mois de juin, pour un total de 1,2 million, le nombre d’employés a surtout diminué de 350 000 personnes sur un an, la majorité rejoignant les rangs de la population inactive, en hausse de 550 000 personnes.
La multiplication des mesures de soutien impacte les finances publiques
Après avoir annoncé de premières mesures de soutien d’urgence dès février, le gouvernement a structuré son dispositif de soutien à travers la contribution des banques publiques (Korea Development Bank, Export-Import Bank of Korea) et du secteur financier privé afin de soutenir le financement des entreprises, pour un montant annoncé de 218 000 Mds KRW (157 Mds EUR, soit 11% du PIB), et celui du gouvernement, à travers 3 budgets complémentaires d’un montant total de 59 000 Mds KRW (42,5 Mds EUR, soit 3% du PIB). En parallèle, le gouvernement a annoncé son plan de relance, le « Korean New Deal », basé sur le numérique (« Digital New Deal »), l’environnement (« Green New Deal ») et l’inclusion sociale et qui devrait, grâce à une mobilisation de 160 000 Mds KRW (115 Mds EUR) sur 5 ans, dont la moitié avant la fin du quinquennat du Président Moon, permettre la création de 1,9 millions d’emplois.
Ce soutien financier conséquent aura un impact significatif sur les dépenses publiques : le 3e budget supplémentaire creusera le déficit du gouvernement central (hors excédent de la Sécurité Sociale) à hauteur de 5,8 % du PIB en 2020, contre 3,5% dans le budget initial, et la dette publique à 43,5% du PIB, soit 4 points de plus que prévu. Si ces chiffres ne sont pas alarmants, la soutenabilité à moyen-long terme des finances publiques pose question, alors que la croissance potentielle demeure limitée (2%-2,5%), notamment en raison de la faiblesse démographique du pays.
1 ASEAN-5 = Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Vietnam