France Gourmet « La crise a aussi pu être bénéfique pour les petites entreprises »

Romuald Pieters, co-fondateur et PDG de France Gourmet, s’est entretenu avec Corée Affaires.

Romuald Pieters, co-fondateur et PDG de France Gourmet, s’est entretenu avec Corée Affaires. Selon lui, la rapidité avec laquelle le secteur du e-commerce évolue est une aubaine pour les petits producteurs, mais représente aussi un défi de taille.

 

Parlez-nous de la genèse de France Gourmet et de son entrée dans le e-commerce.

J’ai fondé France Gourmet, une entreprise de production artisanale de charcuterie, en 2013 avec deux partenaires. On a alors immédiatement identifié des opportunités dans ce marché qui n’était pas encore développé en Corée.

Plusieurs questions se sont posées, car en Corée, tout fonctionne par statut. Si on obtenait le statut de magasin de charcuterie, on pouvait vendre directement aux consommateurs finaux, mais sans pouvoir bénéficier de services des revendeurs. En revanche, si on optait pour le statut d’usine, nous pouvions solliciter les revendeurs, c’est-à-dire une entité pour nous représenter commercialement.

Face à ce choix-là et au fort potentiel du e-commerce, avons décidé de localiser la production et d’obtenir le statut d’usine afin d’avoir accès à une large gamme de canaux de distribution. Depuis, nous nous sommes mis au e-commerce depuis 6 ans, d’abord en vente en direct via notre site web, puis en augmentant l’échelle des ventes petit à petit avec des revendeurs : Market Kurly il y a trois ans, Coupang il y a deux ans et maintenant sur le « smart store » de Naver.

Quelle est la part du e-commerce dans vos ventes ?

Avec la pandémie, le recentrage des consommateurs sur la satisfaction des besoins fondamentaux comme la nourriture en livraison à domicile a entrainé une hausse de 66% des ventes en ligne du secteur F&B. Cela a renforcé le leadership des grands acteurs préexistants, comme Coupang, Market Kurly, Naver, Gmarket, et l’apparition de centres de logistique et de distribution de plus en plus de gigantesques. La livraison de plats préparés a elle aussi explosé de 109% avec des applications comme Yogiyo, Coupang Eat ou Baemin, forçant les restaurants à développer une offre à emporter.

La crise a aussi pu être bénéfique pour de petites entreprises telles que la mienne. En 2019 juste avant la pandémie, nous avions commencé à travailler avec les revendeurs en ligne, représentant 15% des ventes. Depuis, notre chiffre d’affaires a augmenté de 70% en 2020, largement due à une forte croissance de la part de ces revendeurs qui a atteint 40%. Nos ventes en direct sur le site web ont, elles aussi, augmenté de 40% et celles par les plateformes de e-commerce de 320%, ce qui nous a permis de doublé notre production et d’embaucher de nouveaux talents. 60% de nos ventes se font en ligne désormais, ce qui nous garantit une stabilité financière.

La révolution e-commerce était ainsi déjà en cours et la pandémie n’a fait qu’accélérer la tendance.

Quels canaux privilégiez-vous et comment évolue votre stratégie e-commerce ?

Si les grandes plateformes de vente en ligne nous garantissent un revenu stable, celles qui ont des services intégrés (vente et livraison) comme Coupang prélèvent des marges confortables d’environ 40%.

C’est pourquoi notre but est désormais d’augmenter les ventes en direct via notre site web que nous avons entièrement refait en juillet en l’adaptant aux consommateurs coréens. Comme tout va très vite en Corée, il faut renouveler notre plateforme au minimum tous les 4 ans. A nos débuts, 80% de la clientèle était française. Aujourd’hui, la tendance s’est complètement renversée et nous devons adapter notre marketing en faisant par exemple beaucoup plus de pédagogie sur les produits de charcuterie, ainsi que des packagings soignés. Quand on achète un produit sur un site coréen, vous y voyez souvent cinq pages de descriptions !

Nous avons également lancé récemment un « smart store » sur Naver. Naver propose en effet de lister tous les produits, sans prendre de marge excessive (environ 10%) avec son propre système de paiement NaverPay et de points de fidélité. Je constate que de plus en plus d’entreprises transitionnent exclusivement vers ce canal. C’est une solution légère qui permet de mettre les produits en vitrine mais c’est ensuite l’entreprise qui doit gérer elle-même la livraison, via des prestataires tels que CJ Taekbae ou Lotte Taekbae[1].

 

Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer ?


Des difficultés il y en a oui, mais ce sont des difficultés constructives qui nous aident à avancer dans la bonne direction. En tant que petit producteur notamment, il a fallu se mettre aux normes de qualité des grands distributeurs. Les plateformes comme Coupang envoient régulièrement leurs inspecteurs dans notre usine. J’ai dû aussi par exemple investir dans un camion réfrigérant muni d’un capteur de température constant. A chaque fois que je livre, je dois fournir le détail de la température mesurée en continu, qui doit être toujours a moins de 5 degrés.

Les normes de qualité maximum concernent toute la chaîne : de la production à la présentation du produit en passant par la livraison. Elles tendent à être de plus en plus exigeantes. A partir de 2022 par exemple, on va se conformer au modèle HACCP2, une méthode internationale adaptée dans chaque pays garantissant la bonne gestion de tous les problèmes de qualité vis-à-vis de la sécurité alimentaire. Malgré la petite taille de notre entreprise, j’ai ainsi recruté une personne dédiée exclusivement au contrôle qualité.

L’autre défi a été de répondre à la demande croissante du nouveau marché que nous ont ouvert ces canaux de distribution en ligne. Au démarrage, on ne répondait qu’aux deux tiers de leur demande. On a mis plus d’un an et demi à pouvoir produire assez en quantité et qualité.

Maintenant que ces défis ont été relevés, la prochaine étape est de travailler notre stratégie de digital marketing et d’explorer de nouvelles solutions telles que Kakao Gift. La Corée avance vite tout comme la mentalité de sa population qui a grandement changé en moins de 10 ans. Ainsi, il reste beaucoup à faire pour s’adapter !

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