Célébration des 10 ans de l’ALE UE-Corée – Interview de S.E. Maria CASTILLO-FERNANDEZ
Le 1er juillet 2021, l’accord de libre-échange (ALE) entre l’Union Européenne et la Corée du Sud fête ses 10 ans !
Le 1er juillet 2021, l’accord de libre-échange (ALE) entre l’Union Européenne et la Corée du Sud fête ses 10 ans ! L’occasion pour Corée Affaires de faire le point avec S.E. Maria CASTILLO-FERNANDEZ, Ambassadrice de l’UE en Corée, sur une décennie de rapprochement économique initié par cet accord historique. Il s’agit du premier à avoir été signé entre l’UE et un partenaire asiatique attestant de la place de premier plan qu’entretient la Corée pour le Vieux Continent.
- Le 1er juillet 2011, l’ALE entre l’UE et la Corée entrait en vigueur. Pouvez-vous nous raconter le contexte dans lequel il avait été négocié ?
Vers le milieu des années 2000, il est apparu de plus en plus clairement que les négociations commerciales internationales sous l’égide de l’OMC (le Cycle de Doha lancé en novembre 2001) étaient en train de s’enliser, et que par conséquent, il ne fallait pas négliger la piste bilatérale. L’essentiel de la croissance à venir se trouvait en Asie. La Corée connaissait alors une croissance économique d’environ 10% par an, fondée sur une forte ouverture au commerce international. De plus, en 2007, la Corée achevait la négociation d’un ALE avec les Etats-Unis, ce qui nous montrait que la Corée était un partenaire ambitieux, crédible et n’ayant pas peur de conclure un ALE avec un partenaire beaucoup plus gros qu’elle. Les négociations pour un ALE entre l’UE et la Corée ont commencé en 2007 (j’étais alors postée en Corée !) et se sont terminées en 2009.
- Quels sont les principaux objectifs et les grandes lignes de l’accord ?
Avant l’entrée en vigueur de l’ALE, les droits de douane coréens sur les produits européens étaient substantiellement plus élevés que les droits de douane européens sur les exportations coréennes. Avant l’ALE, les droits de douane coréens étaient en moyenne de 8%. Dix ans plus tard, ils sont à moins de 0.5%. A titre d’exemple, l’ALE a permis d’économiser environ 2 000 EUR de droits de douane par véhicule européen exporté.
Lors de sa signature, c’était aussi le plus ambitieux ALE conclu par l’UE en termes de libéralisation du commerce de services. L’accord contient des mesures d’accès au marché couvrant un large éventail de professions dont la construction, les services environnementaux, les services de livraison, les services financiers, les télécommunications, ou encore le transport. Par exemple, l’ALE autorise les entreprises européennes à acquérir 100% du capital d’une entreprise coréenne du secteur des télécommunications.
En matière de barrières non-tarifaires, l’ALE réduit les procédures de certification pour l’électronique, les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux. Dans le domaine de l’automobile, La Corée reconnait l’équivalence des principaux standards internationaux avec ses propres règlements.
Les entreprises européennes peuvent participer aux appels d’offre lancés par les autorités coréennes sur un pied d’égalité avec leurs concurrents coréens.
L’ALE assure également une meilleure protection de la propriété intellectuelle, et notamment des Indications Géographiques.
Le principal chapitre qui manque dans l’ALE UE-Corée est l’investissement car l’UE a acquis cette compétence exclusive avec le Traité de Lisbonne en 2010, soit bien après la fin des négociations avec la Corée.
- Après 10 ans, quel bilan en dressez-vous ?
En effet, nous célébrons cette année le dixième anniversaire de l'entrée en vigueur de l'ALE UE-Corée, le premier du genre avec un pays asiatique ! Le commerce bilatéral UE-Corée a atteint environ 90 milliards d'euros en 2020, ce qui représente une augmentation de 46% sur 10 ans. La Corée est la huitième destination pour les exportations de marchandises de l’UE, tandis que l’UE est le quatrième marché d’exportation de la Corée.
Les échanges bilatéraux entre l'UE et la Corée du Sud restent fortement concentrés dans les machines (35,5%) et les équipements de transport (19,5%). Au sein de l’UE, la France est le deuxième exportateur vers la Corée et elle entretient un excédent dans ses échanges avec la Corée.
- Concernant les mesures de levée des barrières tarifaires, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Le démantèlement tarifaire est le cœur de tout accord de libre-échange !
L'UE a éliminé tous les droits de douane sur les produits industriels dans les 5 ans après l'entrée en vigueur de l'ALE, alors que la République de Corée l'a fait dans les 7 ans. Par conséquent, il n’y plus de droits de douane sur les produits industriels des deux côtés.
Sur les produits agricoles, l'UE a accepté d'éliminer les droits de douane sur 98,1% des lignes tarifaires dans les 5 ans et la Corée sur 85,7% des lignes tarifaires dans les 10 ans suivant l'entrée en vigueur de l'ALE. Le riz est exclu de la libéralisation des deux côtés.
Les principales exportations de la France vers la République de Corée en 2020 comprennent les machines et le matériel de transport, les produits chimiques, les produits agricoles transformés.
Quelques produits emblématiques : la viande de bœuf française (qui devrait obtenir le certificat sanitaire des autorités coréennes dans les six mois) est soumise à 12,5% en 2021 et sera à 0% en 2026. Le camembert est soumis à 11,2% en 2021 et sera en franchise de droits en 2026. Le vin et le cognac sont déjà exportés à un taux de 0%.
- Qu’en est-il des barrières non-tarifaires ?
L’ALE comprend deux chapitres s’intéressant plus particulièrement aux questions non-tarifaires. L’ALE fixe d’une part des grands principes tels que la clause de ‘traitement national’ par laquelle chaque partie accorde à l’autre partie le même traitement que celui accordé aux biens produits localement. L’ALE impose aussi la transparence des décisions et règlements, l’information mutuelle sur les standards, sur les procédures de certification de conformité, et sur les mesures de surveillance du marché.
L’ALE contient aussi des annexes spécifiques pour l’élimination des barrières non-tarifaires dans différents secteurs tels que l’électronique, les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et les voitures.
Par exemple, avant l’entrée en vigueur de l’ALE, les fabricants européens d’électroménager devaient dupliquer les tests et les procédures de certification afin de mettre leurs produits sur le marché coréen. Aujourd’hui, une simple déclaration de conformité par le producteur suffit, pour un grand nombre de ces produits.
Ceci étant dit, reconnaissons que la situation est loin d’être parfaite. Les barrières non-tarifaires représentent un vrai casse-tête dans tout accord de libre-échange car la créativité administrative est sans limite et il est difficile d’anticiper toutes les situations !
- Quelle est votre vision pour l’avenir des relations économiques entre l’UE et la Corée ?
La priorité de l’Union Européenne est la mise en œuvre pleine et entière de l’ALE. C’est ce que nous faisons avec la ratification des Conventions du Bureau International du Travail, et la modernisation du droit du travail coréen.
Une mise a jour de l’ALE est souhaitable, mais à court terme, le renforcement de notre coopération ne passe pas nécessairement par la modernisation de l’ALE. L’alignement de nos stratégies vertes et digitales ouvre la voie à des coopérations prometteuses dans ces domaines. L’UE a une expertise reconnue mondialement dans le domaine des énergies vertes. L’industrie d’ailleurs ne nous a pas attendus, et un écosystème UE-Corée gagnant-gagnant se dessine dans le domaine des batteries et des voitures électriques.